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Sidney Olcott, le premier oeil

 !  Le Blog

 


10 janvier 2015


 

 

 

Robert Vignola raconte les circonstances de la mort de Sidney Olcott

Vendredi 16 décembre 1949. 6 997, Whitley Terrace à Los Angeles. Peu avant 17 h, Robert G. Vignola, acteur et réalisateur de cinéma frappe à la porte de la chambre d'ami de sa maison, perchée sur les hauteurs d'Hollywood.
« Sid ? » Pas de réponse, il entrouvre la porte. « Sid ? » Silence. Dans la pénombre, le petit homme rondouillard s'avance vers le lit, allume la lumière. « Ce fut le pire choc de ma vie », dira-t-il plus tard. Dans le lit, il y a un homme au visage tout bleu, les yeux dans le vide. « Je pense qu'il m'a entendu. Il a fait un effort pour bouger. Son corps était chaud. » Vignola se précipite sur le téléphone dans la cuisine et appelle une ambulance. Lorsque les secours arrivent, ils ne peuvent que constater le décès. John Sidney Allcott, dit Sidney Olcott, né le 20 septembre 1872, à Toronto, Ontario, Canada, est mort.

Olcott et Vignola, c'est l'histoire d'une amitié qui remonte au début du XXe siècle. Tous deux sont acteurs de théâtre et partagent l'affiche de "Billy the Kid", en 1904. Il est le méchant des films d'Olcott lorsque celui-ci devient réalisateur pour la compagnie Kalem. Des dizaines de bandes tournées à New York, en Floride, en Irlande, en Égypte et en Palestine. Et dont le rôle le plus célèbre est celui de Judas dans « From the Manger to the Cross » (1912). Lorsque leur carrière se sépare, leur amitié reste intacte comme au premier jour.

Mars 1949, alors que Valentine Grant, la femme d'Olcott, se meurt d'un cancer à l'hôpital d'Orange, Vignola propose à son ami : « S'il arrive quelque chose à Val, je voudrais que tu saches que tu seras le bienvenu chez moi. » Olcott qui n'a jamais eu de maison à lui emménage volontiers chez Bob. C'est chose faite dès avril. « Nous passâmes des heures nostalgiques à nous remémorer les anciens temps de nos débuts avant de nous plonger dans le visionnage d'un film muet d'une bobine », raconte Vignola. Ils fréquentent les mêmes amis, les mêmes clubs, les mêmes théâtres...

Le jeudi 15 décembre, Sid Olcott est occupé à rédiger ses cartes de Noël. Qu'il signe Val et Sidney Olcott. « Lorsque je lui demandais pourquoi (?), il me regarda dans les yeux et me répondit : « Parce que c'est ainsi que je le voulais. Ce sera la dernière fois qu'ils recevront une carte de nous deux et ainsi l'histoire sera bouclée. » Le soir, Olcott dîne en ville. Il rentre vers 23 h. Vignola joue au bridge avec trois amis. Olcott ne sait pas y jouer. Il salue les invités, mentionne qu'il fait frais ce soir et ajoute qu'il va se coucher car il est un peu barbouillé. Il a mangé du gibier.

Le vendredi 16 au matin, Bob Vignola prend son petit-déjeuner, seul. « Souvent Sid traînait jusqu'à 9 h et plus. » L'acteur va le voir dans sa chambre. Il est toujours barbouillé. Ne veut rien prendre, juste un peu de citron et de l'eau chaude que lui apporte Bessie, la cuisinière. « Sid me rejoint dans ma chambre et s'écroule sur mon lit. Il n'a pas voulu que j'appelle le docteur. Il a pris de l'hepatica, mis une bouillotte sur le ventre et est parti se recoucher. » À midi, il refuse le bouillon de légumes préparé par Bessie. Il dit qu'il a juste besoin de repos. Vignola sort en ville. À son retour, Olcott n'a pas quitté la chambre. « Je l'ai entendu téléphoner. » À 16 h, Bessie est allée dans sa chambre augmenter le chauffage et réajuster une couverture. « Il dormait paisiblement. » À 17 h, Vignola décide d'aller réveiller son ami. On connaît la suite.

Vignola est un peu décontenancé. Malgré la solide amitié qui le liait à Olcott, il se rend compte que la vie de ce dernier comprend des zones d'ombre. « Un jour après avoir lu un article sur un accident d'avion qui tua de nombreuses personnes, j'ai dit : « Sid, on devrait parler et se dire ce qu'il faudrait faire s'il arrivait quelque chose à l'un ou l'autre de nous. » Oui nous devrions répondit-il pensivement. Mais nous n'en fîmes rien. »

Au 6 697 Whitley Terrace, on accourt. En plus des secours de l'ambulance, deux détectives arrivent. Il y a aussi la nièce de Vignola, Frances Piazza de North Hollywood avec sa fille Rita et son mari le lieutenant Kane Lynn. Et deux amis communs, le docteur Ernest Holmes et sa femme. Il est doyen de l'Institute of Religious Science à Los Angeles. Vignola se sent moins seul. Par téléphone, Dr Dickey, le médecin traitant d'Olcott installé au 5 046 Hollywood boulevard, signale que ce dernier souffre depuis trois ans d'une thrombose du cœur. Il propose de confier la dépouille à l'entreprise de pompes funèbres Graham & Isbell, installée au 915 West Hollywood Street.

Vignola est persuadé qu'Olcott souhaitait être enterré aux côtés de son épouse Valentine au Cypress View Cemetery, à San Diego. Mais il ne connaît aucun parent de Val. Il se souvient juste que Sid avait programmé un repas de Noël avec une tante de Val qui vit à Coronado, de l'autre côté de la baie de San Diego. « Je vais donc voir sur le bureau de Sid pour trouver son carnet d'adresses lorsque le téléphone sonne. C'était un appel longue distance de Coronado demandant à parler à Sid Olcott. Pour moi c'était un miracle ! L'appel venait de Mme Joseph Waldrop, habitant 1 117 Four Street, Coronado. L'annonce de la nouvelle fut un grand choc pour elle. Elle était si bouleversée que c'est son mari qui dût poursuivre la conversation. »

Vignola tente aussi de joindre le notaire de Sid, à New York. William C. Mayer, dont les bureaux sont situés dans l'immeuble Singer, 149 Broadway. Un ami très proche et son conseiller. « Depuis que Sid m'avait dit qu'il n'avait plus de famille, j'étais soulagé de savoir qu'un homme avec une autorité légale pourrait prendre en charge ses funérailles. » La compagnie de téléphone a localisé le domicile de M. Mayer à Brooklyn, mais ne parvient pas à la joindre. « Je lui envoyai un courrier de nuit lui demandant de me rappeler. »

Dans la soirée, un reporter du Los Angeles Examiner appelle Vignola. Le journal publie un article le lendemain matin. Les radios relaient l'information. William C. Mayer prend contact avec Vignola et lui dit qu'il prend l'avion de nuit ce samedi et qu'il rentrera à New York lundi soir. Un peu plus tôt, Bob a appelé Paul W. Beider, de l'agence d'Hollywood de la Bank of America qui gère les affaires de Sid Olcott.
Une heure plus tard, réunion au sommet chez Bob avec MM Beider et Isbell des pompes funèbres. « J'exposai le plan d'inhumer Sid aux côtés de Val son épouse. Mais M. Beidler nous montra copie des dernières volontés de Sid, écrites juste après la mort de Val puis lut à haute voix un paragraphe dans lequel il exprimait le souhait d'être inhumé au cimetière d'Humbervale, Toronto, Canada. Pour moi, ce fut une grande surprise. Sa mère est enterrée à Humbervale, appelé aujourd'hui Park Lawn. »

Dimanche 18 au matin. William C. Mayer, le notaire d'Olcott atterrit à Los Angeles. « Le jour le plus pluvieux depuis des années. » Vignola l'informe de ce qui s'est passé. Ils mettent au point le scénario de la suite des événements. Ils choisissent un cercueil en métal pour le transport du corps en avion. Et appellent Toronto pour régler les derniers détails. Parmi les centaines d'appels reçus ce jour-là, celui de Mme Waldrop qui dit à Vignola : « Je voulais vous dire quand Sid était ici, lors du dîner de Thanksgiving, il déclara qu'il voulait être enterré à Toronto, Canada, où il était né. Il dit qu'enfant il n'avait pas fait tout ce qu'il aurait voulu pour sa mère avant qu'elle ne meure et quand son temps serait venu il aimerait reposer à ses côtés. »

Lundi 19, à 15 h, une cérémonie funèbre a lieu à l'église du cimetière d'Hollywood. « Le matin avait été très pluvieux mais à midi le soleil apparut, nettoya le ciel pour le reste de la journée. » L'église était pleine de gens qui voulaient rendre un dernier hommage à Sid. Parmi les couronnes de fleurs celles de la Paramount, de la West Coast Lambs, des Masquers et de très nombreux amis… Le Dr Robert Bitzer, qui dirige la section d'Hollywood de l'Institute of Religious Science, officia. Robert Flack chanta avec Raymond McPeters à l'orgue.

Vignola n'a pas assisté à l'inhumation de son ami au Park Lawn Cemetery à Toronto. Il donne en revanche des détails sur son testament. « Durant toute sa vie Sid était toujours là pour aider un ami dans le besoin. Il fut aussi généreux après sa mort. Dans son testament, il laissait des sommes importantes à l'Armée du Salut ; au Motion Picture Relief Fund Inc ; à la société américaine contre le cancer ; au Lambs Club de New York ; à l'Actors Fund ; au Science of Mind Institute de Los Angeles ; au Boys Home de Toronto, Ontario ; à l'Association américaine de recherche des maladies du cœur ; à l'Institut de Recherche médicale de l'Hôpital des Cèdres du Liban à Los Angeles et à plein d'amis dont il pensait qu'ils auraient besoin d'un petit coup de pouce. »

PS les phrases entre-guillemets sont extraites de la lettre que Robert Vignola envoya aux amis de Sidney Olcott pour raconter les circonstances de sa mort.


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